Né à Limoges en 1709, Etienne de Silhouette fut l’un des ministres les plus brocardés de la Cour sous le règne de Louis XV. Sa réforme fiscale visant à taxer les riches n’est pas bien passée.
« Un peu plus et il provoquait une Révolution ! » s’est exclamé un ministre le soir de sa destitution le 20 novembre 1759. Pourtant austère et sérieux, Etienne de Silhouette fut le personnage public le plus moqué. Il n’a pourtant fait qu’accomplir la mission qui lui a été confiée par le roi. Son objectif étant de remplir les caisses de l’État, il part chercher l’argent là où il se trouve, autrement dit, chez les riches et les nantis.
Un proche de la Pompadour
Originaire de Biarritz, son père Arnaud de Silhouette s’installe à Limoges. Et c’est là qu’Étienne son fils, s’éveille à la vie le 5 juillet 1709. Brillant et érudit, il brille dans les salons où il conte ses exploits. Grand voyageur, écrivain, espion, Étienne de Silhouette fascine son auditoire et devient l’un des hommes les plus connus de son temps. Alors que rien ne le prédestine à atteindre les sommets du pouvoir, ce brillant philosophe des Lumières, lecteur de Confucius, traducteur de Pope, fascine Madame de Pompadour qui en fait son protégé.
Un tsunami fiscal
Louis XV
C’est elle qui le présente au roi qui, en quête d’un ministre des Finances, lui propose ce poste. Etienne de Silhouette accepte. Son passage à ce ministère très important fut aussi bref que remarqué. Nous sommes trente ans avant la Révolution. Et déjà le peuple plie sous le poids des impôts et il est en proie à la famine. La politique lancée par Étienne de Silhouette va ébranler Versailles. Courageux, original, mais peut-être aussi, inconscient, il se met dans l’idée de taxer les riches. Sur le coup personne ne réagit. Mais les premières annonces suscitent des réactions car l’homme en effet, n’y va pas de main morte.
Entre colère et envie de rire
Dans un premier temps, il décide de diminuer, les pensions et les taxes des privilégiés. Puis il suspend les exemptions fiscales de certains titulaires d’offices et il supprime enfin les pensions royales. Bref ! Au début, tous le prennent pour un humoriste. La ficelle est si grosse qu’il ne peut que s’agir d’une plaisanterie. À la Cour, les railleries vont bon train. Les nobles se mettent à endosser des habits à la « Silhouette » aussi étroits que simples, sans gousset. Cet accessoire est inutile puisqu’il n’y a plus d’argent à ranger. Puis vient la mode des portraits façon « Silhouette » où on indique que l’essentiel du modèle. Dans les châteaux on dépose aux fenêtres des personnages très minces censés représenter la part incongrue qui restait aux nobles touchés par l’impôt « Silhouette ».
Les critiques de Voltaire
Voltaire et Jean Jacques Rousseau les deux monstres sacres du siecle des Lumieres - corresp
Même Voltaire s’en mêle. S’il juge estimables ces décisions, il pense qu’elles ne conviennent pas à la situation politique du moment. Discrédité, raillé, Etienne de Silhouette se retrouve dans une situation compliquée. Le 20 novembre 1759, le roi met fin à ses fonctions. Son passage au ministère n’aura duré que quelques semaines. Mais son patronyme devient très vite un nom commun et ses mesures fiscales ne sont pas mises en application. Et heureusement pour lui. S’il s’était imposé à lui-même les prélèvements qu’il préconisait pour les autres, il n’aurait pu s’offrir le superbe château de Bry-sur-Marne qu’il a fait, grâce à sa fortune personnelle, entièrement reconstruire. Il s’y éteint en 1767.
Pour aller plus loin ...
Eduqué chez les Jésuites
la chapelle des Jésuites photo AZZOPARD Brigitte
Fin lettré, éduqué chez les Jésuites (notre photo), il est l’égal de Montesquieu et de Diderot. Il entreprend, comme tout jeune homme de la noblesse européenne de l’époque, ce qu’on appelle « le grand Tour » ou « Tour du Chevalier ». Ce périple permet aux jeunes nobles de différents pays de nouer des liens pouvant servir plus tard leurs ambitions respectives.
Pourquoi la silhouette ?
Suite aux mesures préconisées par Etienne de Silhouette, les nobles collaient sur les fenêtres des personnages minces et censés représenter la part incongrue qu’il restait aux victimes de son impôt.
La pompadour
Madame de pompadour
La célèbre Marquise était fascinée par ce personnage brillant, érudit, et surtout visionnaire. C’est elle qui l’a présenté au roi Louis XV. Aurait-on pu éviter 1789 si on avait sa politique fiscale avait été appliquée? On ne le saura jamais
Bry-sur-Marne
le château de bry sur marne
Nul n’est prophète en son pays. À Limoges, Etienne de Silhouette n’a qu’une impasse. À Bry-sur-Marne où il s’est éteint il est une star. Une école lui a été dédiée. S’il fut moqué en son temps, les historiens reconnaissent les qualités politiques de ce personnage qui aurait peut-être, grâce à son flair, pu éviter la Révolution de 1789. Sa guillotine fiscale qu’il a aiguisée était moins mortelle et moins dévastatrice.
Jean-François Julien